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La photographie d’intérieur, je veux en faire, mais comment faire ? (partie 2 - la prise de vue)

Je reviendrai plus tard en détail sur matériel nécessaire à ce type d’exercice, mais il est évident qu’il faut une focale aussi courte possible, donc un objectif « ultra grand angle » (UGA)… et lumineux !

 

Les pièces sont en effet bien souvent exiguës, parfois sombres et poser le pied pour allonger le temps de pose prend non seulement du temps, mais diminue la manœuvrabilité et l’angle de prise de vue (à moins d’avoir un report d’écran sur une tête motorisée, mais l’investissement me paraît excessif)… sans oublier qu’il vous faudra en plus de la place pour vous !

 

 

Soyons honnêtes, je me suis déjà retrouvé plusieurs fois à genoux devant mon pied ou en train de courir après avoir mis le minuteur (on n’a pas nécessairement de télécommande).

 

 

Les questions essentielles sont toujours les mêmes : un travail pour quoi et pour qui ? En effet, si le marché est dominé par les vendeurs de biens immobiliers dont les attentes sont relativement similaires (encore que…), l’approche pourra varier sensiblement entre un particulier propriétaire d’un deux pièces en banlieue et un hôtel prestigieux recherchant des photos de grande qualité pour attirer une clientèle ciblée, sensible à son style unique.

 

 

C’est une évidence, certes, mais il convient de la garder perpétuellement à l’esprit.

 

Concentrons-nous donc désormais sur la photo la plus couramment demandée sur ce marché, définie par le « style agence immobilière ». L’objectif est de mettre le bien en valeur, sans le dénaturer, afin de donner envie de le visiter, sans décevoir le client potentiel une fois sur place (j’ai vu des images retouchées faisant carrément disparaître des immeubles… soyons clairs, c’est totalement contre-productif).

 

 

Les règles sont donc les suivantes : des pièces claires et spacieuses au possible, qui rendent compte de la réalité du lieu.

 

Vous noterez que le rendu est "très clair", c'est une demande très régulière de la part des vendeurs et encore, ils peuvent demander plus "coloré" et plus "brillant". Savoir répondre à la demande du client tout en prodiguant des conseils fait partie de notre travail...

D'après moi, sauf exception, il faut éviter autant que possible la lumière artificielle (qui laisse souvent un arrière-goût de « salle trop sombre » et dont la couleur est difficile à harmoniser avec celle de la lumière du jour). La plupart sont laides et les couleurs variables (longueurs d'ondes) donc extrêmement complexes, voire impossibles à récupérer.

 

Gardez en tête que le résultat dépend du prix proposé et des exigences du client, mais dans l'extrême majorité des cas, on cherche à réduire les coûts, il faut donc travailler aussi vite et bien que possible.

En dépit d'une certaine correction, on voit la couleur orangée (et encore il n'y a qu'une source) qui met en valeur la table, attire l’œil au plafond... chacun est libre, mais la lumière naturelle me semble largement préférable !

On se montre minutieux avec les pièces principales et élégantes, on s’abstient de prendre les endroits « inutiles » (toilettes, cagibis, garages encombrés, combles poussiéreux…) pour gagner du temps. Si un style particulier se dégage (poutres apparentes, mobilier moderne, etc.), il est de bon ton d’essayer de le mettre en évidence, ce qui laisse parfois une petite place à l’originalité dans cet exercice un peu stéréotypé.

 

Des pièces claires, cela signifie une maison ouverte, donc pas de volets fermés, pas de rideaux (sauf s’ils cachent utilement quelque chose), pas de photo de nuit bien évidemment ! Avant de venir sur place, on aura à cœur de bien faire comprendre au(x) propriétaire(s) que les lieux doivent être propres et très bien rangés.

 

Pour vous faciliter la vie, j'ai écrit un court article vers lequel vous pouvez les renvoyer.

 

Il faut éviter les poubelles, les torchons, les jouets… bref tout ce qui traîne ! Le photographe doit se montrer compréhensif et déplacer au besoin quelques objets, mais il n’est pas rémunéré pour faire le ménage. Si la pièce est sens dessus dessous, il s’agira de faire au mieux, mais pas de passer vingt minutes à tout ranger. Prenez garde à votre présentation et vos "excès d'humeur", on peut expliquer très calmement la situation, demander de l'aide, etc. N'agressez jamais le propriétaire !

 

Passons maintenant au travail à proprement parlé.

Comme vous pouvez le constater, il est de bon ton de faire un peu de nettoyage ! Le client doit préparer sa maison, mais il vous appartient de déplacer quelques objets pour améliorer le rendu final.

Le photographe d’intérieur se trouve régulièrement limité à deux choix d’angle de vue : « dans la ligne » (longueur ou largeur) ou dans un coin. Je m’explique.

 

Avant toute autre considération esthétique, l’exigence principale des photos est de montrer la pièce, on est dès lors très souvent tenté de prendre nos clichés depuis un coin pour embrasser le maximum d’espace. C’est (très) souvent la meilleure solution, mais pas toujours ! Le grand angle déforme les lignes et de temps à autre, l’image pourra être trop maltraitée, même après retouches, notamment lors des photos « à quatre murs ».

 

Le cadre peut également parfois souffrir lorsque certains objets mal placés nuisent à la lisibilité de l’image. On peut donc ponctuellement préférer utiliser la longueur ou la largeur, en prenant garde toutefois à « l’effet de couloir », qui risque de décevoir le visiteur quant à la taille réelle de la pièce.

Contre-exemple dans ce riche intérieur. Les déformations imposées au mobilier (table, tableau, commode) attirent l'attention au mauvais endroit, là où une photo "dans l'axe" dirige le regard vers la fenêtre avec un "effet de couloir" suffisamment limité... la photo, c'est souvent un compromis, n'est-ce pas ?

Prenons une seconde pour respirer et profitons-en pour revenir sur deux termes fraîchement débarqués.

 

Qu’est-ce que c’est que « l’effet de couloir » ? On va le voir très clairement avec la photo qui suit, mais en quelques mots, c’est une sensation de pièce qui n’en finit pas (et qui apparaît donc beaucoup plus grande en photo qu’en réalité) et qui s’étire en longueur… c’est très peu vendeur.

 

Continuons sur notre lancée : quid de cette histoire de « photos à quatre murs » ? Je ne crois pas avoir rencontré de contre-exemple jusqu’à maintenant, il faut absolument voir au-moins trois des quatre murs de la pièce pour lui donner une belle vue d’ensemble.

Personnellement, lorsque c’est possible, j’aime montrer les quatre murs dans l’image pour qu’on voie vraiment intégralement la pièce ! Petit inconvénient, il est fréquent que le redressement de Lightroom s’y perde et parfois à un tel point que la photo devient inutilisable (si on veut un mur droit, un autre est abusivement de biais…). Il faut être d’autant plus précautionneux en prenant la photo ainsi.

 

 

Deux photos de la même pièce. Comme vous pouvez le voir, la photo de gauche donne l'impression d'une pièce très profonde, "comme un couloir", très éloigné de la réalité de l'endroit. Une image en coin est préférable.

Photo "à quatre murs". C'est affaire de goût, mais j'aime montrer toute la pièce d'un seul coup. Attention toutefois aux déformations, un objectif mal placé et la correction peut devenir impossible ! Il y aura toujours un mur de biais...

Résumons un peu : une maison propre, bien rangée, lumineuse sans excès et sans lumière artificielle (sauf exception) ; des prises de vue de face, de côté ou en coin (de préférence) pour mettre en valeur l’espace et la lumière. Plutôt simple finalement, n’est-ce pas ?

 

Maintenant que nous savons ce qu’il convient de faire en amont et pendant les prises de vues, voyons un peu quels sont les outils nécessaires pour travailler professionnellement.

 

 

D’abord la bonne nouvelle : la quantité de matériel nécessaire est extrêmement limitée ! On peut tout à fait utiliser des flashs, lumière continue, softbox… mais dans 99% des cas, je vous conseille de vous contenter d’un boîtier, d’un objectif (zoom) et d’un pied (qu’il faut toujours avoir à portée de main, même si on peut s'en passer quand il faut travailler très rapidement).

 

Limiter le matériel est important pour plusieurs raisons. Déjà parce qu’il faut voyager léger pour travailler rapidement, ensuite parce que la course aux prix bas (pour l’écrasante majorité des biens) empêche toute velléité d’éclairage et encore plus d'assistants (j'ai vu un tutoriel d'un groupe bien connu avec un assistant, ça m'a fait rire...).

 

 

En revanche, c’est la « mauvaise » nouvelle, pour travailler efficacement, il faut du matériel d’excellente qualité, donc cher ; cela-dit, quel professionnel utilise des outils de mauvaise qualité ? Ce tutoriel est conçu pour vous permettre de rentabiliser vos investissements de toute façon.   

 

 

Les deux critères essentiels de l’objectif sont : la focale et l’ouverture. Il s’agit donc d’avoir un objectif lumineux et ultra grand angle (UGA), si possible zoom car en situation, il est bien rare de pouvoir se déplacer facilement et il est toujours préférable de ne pas trop « croper » dans l’image en post-production.

 

Un boîtier plein format sera plus que bienvenu (ne serait-ce que parce qu’il permet d’éviter les coefficients de conversion de focale) et capable de monter dans les ISO sans générer (trop) de bruit. Enfin, il est capital qu’il puisse encaisser une très grande dynamique (en gros, l’écart entre la lumière la plus faible et la plus forte).

 

 

Pourquoi ? Eh bien parce que les pièces demandent une focale courte pour être prises « dans leur ensemble », elles sont souvent sombres, or plus l’appareil est sensible et l’objectif lumineux, plus il est facile de prendre des photos à main levée (il est fréquent de descendre au 1/40s, voire moins et il arrive de devoir ouvrir à f/2,8 quand on n’a pas le choix).

 

Enfin, les fenêtres créent souvent des écarts de lumière violents qui demandent du matériel tolérant pour s’en sortir sans utiliser la fameuse technique HDR (High Dynamic Range), dont le temps de traitement diminue sensiblement la rentabilité de l’exercice. Ne me faites pas dire que je vous conseille d'éviter le HDR, au contraire !

 

 

Pour les endroits trop sombres, il faudra un pied, afin d’allonger le temps de pose sans être gêné par le flou de mouvement. Ne l’oubliez surtout pas, il est indispensable, même si vous l’utilisez rarement. L’exemple le plus fréquent reste la salle de bains sans fenêtre d’un appartement vide dont on a coupé l’électricité…

 

Petit conseil au passage, vérifiez bien tout votre matériel systématiquement avant de partir, notamment la plaque rapide qui pourrait bien se trouver vissée à un autre boîtier pour un travail terminé très tardivement la veille... ça vous évitera d'avoir à poser le boitier directement sur la tête en essayant de le caler à l'arrache avec ce que vous avez sous la main ! Pour passer pour un guignol, c'est première ! Non, non, ça ne m'est arrivé évidemment...

 

 

Un boîtier, un objectif, un pied et une carte (SD, flash… peu importe). Difficile de faire plus léger ! On peut d'ailleurs remplacer le pied par un monopode, surtout avec un petit trépied au bout. On peut alors être rapide, ce qui est nécessaire de nos jours, mais attention à ne pas confondre vitesse et précipitation ! Car la difficulté la plus récurrente dans la photographie d’intérieur avec les déformations des UGA, c’est l’écart entre les zones de haute et de basse lumière !

 

 

Des fenêtres, il y en a presque toujours (heureusement) et quand le soleil tape en direct dans une pièce contenant du mobilier rustique, il n’existe pas de matériel capable d’encaisser ces dynamiques… et on se retrouve alors avec des photos aux fenêtres entièrement brûlées, avec des zones sous-exposées, dans les coins et sous les fenêtres notamment. Ne nous cachons pas les choses : il est impossible de rendre des clichés pareils. Alerte photo de particulier et de beaucoup d'agents immobiliers.

 

 

J'ai fait aussi pourri que possible, mais je vous assure qu'on voit pire sur internet et, plus problématique, sur les vitrines d'agences immobilières.

L’exigence professionnelle impose dans ces cas extrêmes et fréquents, soit de tolérer des fenêtres brûlées « proprement », soit de manière préférable, d’avoir recours au HDR, c’est-à-dire à la multiplication de photographies au cadre identique, sur pied, en faisant varier le temps de pose. Leur superposition en postproduction permet de récupérer une seule image correctement exposée.

 

 

Je vous propose une petite astuce pour souffler après ces quelques informations : lorsque vous débutez dans l’exercice, la crainte (justifiée) de rater un cliché à cause du problème de dynamique peut devenir angoissante !

 

Utilisez le bracketing de votre appareil pour préparer le HDR (vous allez perdre un peu de temps, c’est évident) et essayez au maximum de vous passer de la compilation de fichiers RAW sur votre logiciel. Il y a souvent une photo intermédiaire utilisable sans perdre du temps à créer un TIFF (ou un DNG) volumineux et inutile… et vous prendrez confiance au fur et à mesure pour ne plus prendre qu’un cliché (ou deux) à main levée quand c’est possible.

 

 

Vous souhaitez avoir des précisions sur le HDR ? Cliquez ici.

Huit clichés pris avec des temps de pose de plus en plus courts (un diaph d'écart) pour un fichier HDR final qui me permet de rattraper les portes fenêtres. Notez au passage qu'on peut reprocher énormément de choses au résultat final, mais cette qualité est déjà largement supérieure à beaucoup d'autres, aux attentes des professionnels et à la rémunération... à vous de voir.

La photographie d’intérieur n’a (presque) plus de secret pour vous ! L’expérience s’acquiert rapidement, vous serez très vite opérationnels et prêts à embellir maisons comme appartements, au ravissement des propriétaires.

 

Je vais juste vous mettre en garde contre les pièges les plus fréquemment rencontrés et qui ne sautent pas forcément aux yeux lors de la prise de vue.

 

Faites bien attention au point et n’hésitez pas à le vérifier sur l’écran (si vous avez pris l’habitude de ne pas regarder les images que vous photographiez, tout confiant que vous êtes dans la cellule de l’appareil), il est affreux de constater une erreur de mise au point lors de la retouche…

Un beau point au premier plan (qu'on peut voir à droite) et le reste de la photo floue ! Voici une photo réalisable à mains levées, mais trop précipitée...

Méfiez-vous des miroirs et plus encore de toutes les surfaces réfléchissantes (marbres...), surtout sombres (comme les fours ou les cuisines vernies) !

 

On a bien vite fait de retrouver son reflet sur l’image, ce qui est d’autant plus vrai si, pour une raison ou une autre, on travaille avec le retardateur… On peut facilement oublier le reflet de l’appareil sur son pied.

 

Jeter une photo à cause de cette erreur ou perdre un temps conséquent à se battre en retouches est souvent évitable. 

 

Si vous ne pouvez pas faire autrement (alerte salle de bain exiguë, miroirs muraux ou marbre partout...), essayez de vous facilitez la vie sur l'ordinateur ! Mettez le pied sur retardateur (ou utilisez une télécommande, je ne vais pas le répéter à chaque fois) et essayer de laisser le reflet sur une surface unie facile à retouchée.

 

Deux erreurs dans cet appartement clichois : non seulement je me suis laissé prendre par le miroir (et ça franchement c'est inadmissible), mais j'ai laissé du bordel derrière la porte... Dans les deux cas, c'était très facilement évitable. Faites attention.

  • Soyez prudent avec les photos à main levée. Il est évident que c’est un gros gain de temps, mais vous allez souvent travailler avec un temps de pose « lent » (1/30s par exemple), une ouverture importante et une sensibilité élevée… or ce n’est pas toujours suffisant et les modifications nuisent rapidement à la qualité du rendu final.

        Il est souvent préférable de prendre son temps en utilisant le pied. C’est encore plus vrai lorsqu’on joue avec les hautes lumières en mettant la fenêtre dans l’image.

 

  • D’une manière générale, vous êtes un « étranger » dans l’intimité des propriétaires, soyez aussi respectueux que possible ! C’est évident, mais une fois l’œil dans le viseur, on a vite fait d’attraper quelque chose ou de laisser traîner le pied qui tape… Prudence.
  • En gagnant la confiance des propriétaires par une attitude adaptée, vous vous faciliterez la vie d’une part et vous aurez plus facilement la possibilité de leur demander de déplacer des objets ou de les déplacer vous-même. C’est parfois tout à fait nécessaire, alors ne vous montrez pas excessivement timide !

  • Nous sommes des photographes, rarement de bons vendeurs. Lorsque vous êtes au service d’un client, a fortiori d’autant plus si c’est un professionnel de la vente immobilière, pensez à lui demander conseil sur ce qu’il faut mettre en valeur. Il arrive parfois qu’il considère « évident » un point qui vous paraîtra anodin au possible (et vice versa)… De toute façon, c’est son point de vue qui prime au final. Combien d'heures me suis-je battu avec des problèmes colorimétriques, des détails, du bruit ?... alors que tout le monde s'en fout ! Investissez votre temps dans ce qui compte.
  • L’exercice perpétuel consiste à jouer avec les lignes. L’outil « upright » de Lightroom (je parlerai plus longuement de la postproduction plus tard) est performant, mais très loin d’être miraculeux. Il faut disposer son cadre de manière à conserver lignes aussi droites que possible et faciliter le travail du logiciel. En moyenne, la hauteur de l'objectif se situe entre 60cm et 150cm et généralement autour 1.20m. Après, c'est chacun sa tambouille.

 

 

 

 

La première photo prise en plongée est très difficilement corrigée (image suivante). Tout va mieux sur la dernière (vous noterez que j'ai fait le choix de laisser les serviettes... qui cachent un énorme fouillis que j'ai jugé ne relevant pas de mon travail).. Une bulle sur le pied pour faciliter la vie.

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